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Barenziah, la véritable histoire, vol. 5 est un livre présent dans :
- The Elder Scrolls II: Daggerfall
- The Elder Scrolls III: Morrowind
- The Elder Scrolls IV: Oblivion
- The Elder Scrolls V: Skyrim
Il appartient à la série de livres Barenziah, la véritable histoire composée de 5 volumes.
Localisations[]
Skyrim[]
- Fortdhiver, Académie de Fortdhiver, l'Arcaneum, vendu par Urag gro-Shub.
- Solitude, Temple des Divins, étagère, à l'étage.
- Le Katariah
- Grotte de l'Aviron Brisé, quartier du capitaine Hargar.
- Blancherive,
- Fort-Dragon, sur une étagère, hall principal et quartiers du jarl.
- Jorrvaskr, chambre de Vilkas, chambre de Brill
- Maison des Guerriers-Nés, chambre à l'est
- Maison des Grisetoisons
- Maison d'Uthgerd, sur une table
- Hydromellerie d'Hydrhonningn, à l'étage, derrière la porte verrouillée.
- Vendeaume, Maison de Viola Giordano, étagère à l'étage.
- Grotte de Tolvald
Oblivion[]
- Cité impériale, Quartier du marché,Première édition
- Cheydinhal, Livres de Mach'Na
- Leyawiin, Livres du sud
- Chorrol, Chez Renoit
- Skingrad, maison de Glarthir, second étage.
Morrowind[]
- Molag Mar, Hostellerie de Saint-Véloth
- Tureynulal, bibliothèque de Kagrénac
- Cité de Vivec, Quartier étranger, Aux Livres Rares de Jobasha
Daggerfall[]
- Généré aléatoirement
Contenu[]
Comme prédit par Symmachus, le vol du Bâton du Chaos n'eut guère de conséquences à court terme. L'empereur Uriel Septim envoya plusieurs messages aussi secs que brefs exprimant son déplaisir et poussant Symmachus à ne ménager aucun effort pour le retrouver et à communiquer tous les résultats obtenus à Jagar Tharn, mage-guerrier impérial nouvellement nommé, qui était en charge de l'affaire.
"Tharn !" explosa Symmachus, écoeuré et frustré, alors qu'il faisait les cent pas dans la petite chambre où Barenziah, enceinte de plusieurs mois, brodait tranquillement une couverture pour leur fils. "Jagar Tharn ! Ha ! Je ne voudrais pas lui indiquer comment traverser la rue même si ce n'était plus qu'un vieux gâteux aveugle !"
"Qu'as-tu donc contre lui, mon amour ?"
"Je ne lui fais aucune confiance. Il a dans les veines du sang d'Elfe noir, d'Haut-Elfe et je ne sais quoi d'autre. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il combine les pires défauts de tous ses ancêtres. On ne sait rien de lui, sinon qu'il serait né à Val-Boisé, d'une mère Elfe des bois. Il semble s'être rendu partout depuis..."
Barenziah n'écoutait que d'une oreille, fatiguée qu'elle était par l'approche du terme de sa grossesse. Mais elle releva soudain la tête et laissa tomber son aiguille. Quelque chose avait piqué son intérêt. "Symmachus... se pourrait-il que ce Jagar Tharn ne soit autre que le Rossignol déguisé ?"
Son époux réfléchit longuement avant de lui répondre. "Non, mon amour. De tous les ancêtres dont il peut se prévaloir, il semble bien que seuls les humains soient absents." Barenziah savait que cela constituait une tare aux yeux de Symmachus. Car si son mari méprisait les Hauts-Elfes, qu'il considérait comme des intellectuels efféminés, et les Elfes des bois, qui étaient tous des paresseux et des voleurs à ses yeux, il admirait les humains, et plus particulièrement les Brétons, pour leur pragmatisme, leur intelligence et leur énergie. "Le Rossignol est natif de Coeurébène, du Clan Ra'athim plus précisément. Je serais même prêt à parier qu'il fait partie de la Maison de Mora, car cette Maison a toujours accepté les humains. Coeurébène n'a guère apprécié que le bâton nous soit confié lorsque Tiber Septim nous a pris notre Cor de Convocation."
Barenziah poussa un petit soupir. La rivalité opposant les royaumes de Coeurébène et de Longsanglot remontait à l'aube des temps. Pourtant, les deux nations n'avaient fait qu'une, autrefois, toutes les mines lucravites étant sous l'autorité du Clan Ra'athim, lequel produisait également les hauts-rois de Morrowind. Puis, Coeurébène s'était scindé en deux cités-états, Coeurébène et Longsanglot, lorsque les fils jumeaux de la reine Lianne, petits-fils du légendaire roi Moraelyn, avaient été tous deux déclarés rois. À peu près à la même époque, la fonction de haut-roi disparut, laissant la place à un chef de guerre, temporairement nommé par un conseil en cas d'urgence dans la province.
Toutefois, Coeurébène continua à revendiquer jalousement son statut de plus ancienne cité-état de Morrowind, ses dirigeants n'hésitant pas à proclamer qu'ils étaient "premiers entre les égaux" et que la garde du Bâton du Chaos leur revenait donc de droit. Longsanglot avait rétorqué que le roi Moraelyn lui-même avait confié le bâton à la garde du dieu Ephen et que ce dernier était, sans le moindre doute possible, né à Longsanglot.
"Dans ce cas, pourquoi ne pas faire part de tes soupçons à Jagar Tharn ? Qu'il le retrouve donc, ce bâton ! Du moment que quelqu'un le récupère, quelle importance que ce soit lui ou toi ?"
Symmachus la regarda sans comprendre. "Détrompe-toi, c'est très important," dit-il doucement après un temps de réflexion, "mais peut-être pas tant que cela, après tout." Il ajouta : "Certainement pas assez pour que tu t'en préoccupes davantage. Reste là et... continue à broder", conclut-il avec un large sourire.
Elle lui lança son marquoir au visage, le touchant en plein nez.
Quelque mois plus tard, Barenziah donna naissance à un fils en excellente santé, qu'ils nommèrent Helseth. Personne n'entendit plus parler du Rossignol ni du Bâton du Chaos. Si le royaume de Coeurébène avait l'objet en sa possession, ses hauts dignitaires ne s'en vantèrent pas.
Les années passèrent rapidement et dans la joie. Helseth grandit vite. Il ressemblait beaucoup à son père, qu'il vénérait. Quand il eut huit ans, Barenziah mit au monde une fille, comblant ainsi son mari de bonheur. Helseth faisait la fierté de son père, mais la petite Morgia, prénommée en l'honneur de la mère de Symmachus, le faisait fondre.
Hélas, la naissance de Morgia n'annonça pas des jours meilleurs, bien au contraire. Les relations avec l'Empire se détériorèrent lentement, sans raison apparente. Les taxes exigées augmentaient chaque année et Symmachus en vint bientôt à la conclusion que l'empereur le soupçonnait d'avoir joué un rôle actif dans la disparition du bâton, aussi fit-il tout le nécessaire pour prouver sa loyauté en répondant de son mieux à ces exigences toujours plus folles. Pour cela, il dut augmenter le temps de travail quotidien de ses sujets et les impôts dont il les accablait, allant fréquemment, quand cela ne suffisait pas, jusqu'à combler la différence en puisant dans leurs caisses personnelles. Mais la tendance refusait de s'inverser et tout le monde, nobles comme gens du peuple, commençait à se plaindre. La situation devenait préoccupante.
"Je veux que tu prennes les enfants avec toi et que tu ailles à la cité impériale," dit-il finalement un soir, au dîner, désespéré. "Tu dois forcer l'empereur à t'écouter, sans quoi nous aurons une révolte sur les bras d'ici le printemps." Il se fendit d'un sourire forcé. "Je sais que tu en es capable, ma chérie. Tu as toujours su y faire avec les hommes."
"Même avec toi, j'imagine," répondit-elle en s'obligeant à sourire à son tour.
"Oui. Surtout avec moi," reconnut-il tendrement.
"Mais pourquoi les enfants ?" demanda-t-elle en jetant un œil à sa progéniture. Helseth jouait du luth en chantant en duo avec sa petite sœur. Il avait quinze ans, Morgia presque huit.
"Ils l'émouvront peut-être... et puis il est grand temps qu'Helseth soit présenté à la cour impériale."
"Admettons, mais ce n'est pas la raison qui te préoccupe," dit-elle en inspirant profondément pour se donner du courage. "Tu penses que nous ne sommes plus en sécurité ici. Mais si tel est le cas, tu ne l'es pas non plus. Accompagne-nous," le pressa-t-elle.
Il lui prit les mains. "Barenziah, mon amour. Cœur de mon cœur. Si je pars maintenant, nous n'aurons plus rien à notre retour. Ne t'inquiète pas pour moi. Tout ira bien. Je suis assez grand pour me défendre et je le ferai d'autant mieux si je n'ai pas à me faire du souci pour toi et les enfants."
"N'oublie jamais que nous avons besoin de toi," murmura-t-elle en appuyant la tête contre la poitrine de son époux. "J'ai besoin de toi. Nous pouvons nous passer de tout le reste si nous sommes ensemble. Il est plus facile de vivre les mains vides et le ventre vide que le cœur vide." Elle se mit soudain à pleurer en repensant au Rossignol et au Bâton du Chaos. "C'est à cause de ma stupidité que nous en sommes là," s'accusa-t-elle.
"Si tel est le cas, je n'ai pas à m'en plaindre, bien au contraire," l'assura-t-il en lui souriant tendrement. Il posa son regard sur leurs enfants. "Aucun de nous quatre ne manquera jamais de rien, je te le promets, mon amour. Jamais, au grand jamais. Je t'ai déjà tout volé une fois, Barenziah, car l'empire de Tiber Septim n'aurait jamais vu le jour sans mon aide." Sa voix se durcit. "J'ai aidé à le fonder, je peux le détruire, s'il le faut. N'hésite pas à le dire à Uriel Septim. Et rappelle-lui que ma patience n'est pas infinie."
Barenziah poussa un petit cri de surprise. Symmachus n'était pas du genre à proférer des menaces en l'air. Il lui paraissait tout aussi inconcevable qu'il puisse un jour se retourner contre l'Empire que le vieux loup lové près de l'âtre puisse se retourner contre elle. "Comment ?" s'enquit-elle.
"Il vaut mieux que tu ne le saches pas," répondit-il en secouant la tête. "Si jamais il se montre récalcitrant, contente-toi de lui répéter ce que je viens de te dire et ne crains rien. Il ressemble suffisamment à ses ancêtres pour ne pas s'en prendre à ma messagère." Il sourit gravement. "Car s'il venait à le faire, s'il vous faisait le moindre mal, à toi ou aux enfants, il sait qu'il ne lui resterait plus qu'à prier de n'avoir jamais vu le jour. Je le traquerai, lui et tous les siens. Je ne connaîtrai pas le repos tant qu'il restera un Septim en vie." Ses yeux rouges d'Elfe noir brillaient à la lueur faiblissante du feu. "Je te le jure, mon amour... ma reine... ma Barenziah."
Barenziah le serra aussi fort que possible. Mais malgré la chaleur du corps de Symmachus, elle ne put s'empêcher de frissonner.
Debout devant le trône de l'empereur, Barenziah tentait d'expliquer à ce dernier quelle était la situation au royaume de Longsanglot. Elle avait dû attendre plusieurs semaines avant d'être enfin reçue par Uriel Septim, l'audience ayant sans cesse été repoussée sous divers prétextes : "Sa Majesté est indisposée" ou "Une affaire urgente requiert l'attention de son Excellence" ou encore "Je regrette, Votre Altesse, mais votre rendez-vous était prévu pour la semaine prochaine. Voyez..." Et le pire, c'est que cela se passait mal. L'empereur ne se prenait même pas la peine de faire semblant de l'écouter. Il ne l'avait pas priée de s'asseoir, pas plus qu'il n'avait autorisé les enfants à partir. Helseth se tenait droit comme une statue, mais la petite Morgia commençait à avoir du mal à en faire autant.
L'agitation dans laquelle se trouvait Barenziah ne l'aidait en rien à se calmer. Peu de temps après son arrivée à la cité impériale, l'ambassadeur de Longsanglot était venu lui apporter plusieurs messages envoyés par Symmachus. Les mauvaises nouvelles s'étaient succédé. La révolte tant redoutée avait finalement éclaté, les paysans s'étant regroupés autour de quelques petits nobles dépités qui exigeaient que Symmachus leur remette le pouvoir. Seuls la garde impériale et quelques soldats, dont la famille servait Barenziah depuis maintes générations, défendaient encore Symmachus. Les hostilités avaient déjà commencé, mais apparemment, Symmachus allait bien et contrôlait encore la situation, même s'il écrivait lui-même que cela ne pourrait durer. Il suppliait Barenziah de tout mettre en oeuvre pour se faire entendre par l'empereur et, surtout, de rester à la cité impériale avec les enfants jusqu'à ce qu'il lui écrive que la situation s'était calmée et qu'elle pouvait rentrer.
Elle avait essayé de se frayer un passage de force entre les obstacles que lui imposait la bureaucratie impériale, en vain. Pour ne rien arranger, du jour au lendemain, elle n'avait plus reçu la moindre nouvelle de Longsanglot. Les semaines s'étaient écoulées lentement et dans une ambiance insupportable, Barenziah passant sans cesse de la fureur qu'elle éprouvait à l'égard des nombreux majordomes de l'empereur à la crainte que lui inspiraient son propre sort et celui de sa famille. Puis, un jour, l'ambassadeur lui apprit qu'il attendait des nouvelles de Symmachus pour le lendemain soir au plus tard, non par les voies habituelles, mais par faucon de nuit. Comme si cela était un signe, elle apprit le même jour qu'Uriel Septim consentait enfin à la recevoir tôt le lendemain matin.
À leur entrée dans la salle du trône, l'empereur les avait accueillis d'un large sourire de bienvenue qui ne trouvait nul écho dans son regard. Puis, alors qu'elle lui avait présenté ses enfants, il les avait fixés avec une attention pour le moins dérangeante. Depuis cinq siècles qu'elle fréquentait les humains, Barenziah avait appris à déchiffrer leurs expressions et leurs tics, qui révélaient souvent bien plus qu'on ne le pensait. Même si l'empereur faisait tout son possible pour le cacher, elle lut une voracité dans ses yeux... et autre chose. Du regret ? Oui. Du regret. Mais pourquoi ? Il avait plusieurs enfants, lui aussi. Pourquoi vouloir ceux de Barenziah ? Et pourquoi avait-il lancé à cette dernière un regard brûlant de concupiscence, qu'il s'était hâté de détourner ? S'était-il lassé de son impératrice et de ses maîtresses, les humains étant connus pour leur inconstance ? Mais l'expression de l'empereur avait changé dès qu'elle avait commencé à évoquer la raison de sa venue et l'éruption de violence qui frappait Longsanglot. Il ne bougea pas le petit doigt tout le temps qu'elle parla.
Stupéfaite autant qu'outrée par son absence de réaction, Barenziah chercha subrepticement sur son visage pâle et composé les traits des Septim qu'elle avait connus par le passé. Elle n'avait rencontré cet empereur que deux fois en tout et pour tout, la première alors qu'il était encore enfant, puis lors de son couronnement, vingt ans plus tard. Il s'était comporté avec dignité lors de la cérémonie, mais sans montrer la distance qui semblait caractériser l'homme qu'il était devenu. En fait, outre la ressemblance physique, on aurait pu dire qu'il s'agissait là de deux individus différents. Pourtant, quelque chose en Uriel Septim lui était familier... un peu trop familier. S'agissait-il d'un geste, de sa façon de se tenir ?
Elle eut soudain une bouffée chaleur, comme si l'on venait de renverser une cuve de lave sur sa tête. Une illusion ! Elle avait longuement étudié cette forme de magie depuis que le Rossignol s'était joué d'elle, apprenant à déceler les illusions sous toutes leurs formes. Elle se trouvait en présence de l'une d'elles, elle le sentait comme un aveugle sent la chaleur des rayons du soleil sur son visage. Mais pourquoi ? Elle se mit à réfléchir frénétiquement, alors même qu'elle continuait de raconter l'insurrection de Longsanglot. Se pourrait-il que cela soit par simple vanité ? Les humains avaient souvent honte des premiers signes de l'âge, alors que les Elfes, eux, étaient fiers de les arborer. Non, pourtant... Le visage d'Uriel Septim correspondait à son âge actuel.
Barenziah n'osait pas faire appel à sa propre magie, car même les nobles insignifiants avaient les moyens d'en détecter l'utilisation et de s'en protéger à l'intérieur de leur château. Non, faire usage de magie en ce lieu l'exposerait au courroux de l'empereur aussi sûrement que si elle le menaçait de sa dague.
La magie...
Une illusion...
Cela lui rappela brusquement le Rossignol et elle le vit soudain devant elle. Puis la vision se modifia et l'empereur redevint Uriel Septim, à ceci près qu'il avait l'air triste, piégé. L'image changea à nouveau, laissant apparaître un troisième homme, ressemblant au Rossignol, mais pas tout à fait : le teint pâle, les oreilles pointues des Elfes et des yeux injectés de sang dans lesquels se lisait une malice insondable. Il projetait une aura d'énergie surnaturelle, un horrible scintillement destructeur. Un tel homme était capable de tout !
Puis, soudain, elle se retrouva de nouveau face au visage d'Uriel Septim.
Comment savoir si son imagination ne lui jouait pas des tours ? Elle ressentit une immense lassitude, comme si elle portait un lourd fardeau depuis trop longtemps. Voyant que la situation critique de Longsanglot ne lui attirait aucune sympathie de la part de son auditeur, elle décida d'engager avec lui une conversation plus légère afin de vérifier ses soupçons.
"Vous souvenez-vous du banquet organisé après le couronnement de votre père, sire ? Vous n'étiez pas plus âgé que ma petite Morgia. Cela a été un immense honneur, pour Symmachus et moi-même, d'être vos seuls invités, exception faite de votre ami Justin, bien sûr."
"Ah, oui," répondit-il en souriant prudemment. Très prudemment. "Il me semble que je m'en souviens, en effet."
"J'ai appris que Justin était mort peu de temps après, Majesté. Quelle tristesse ! Vous étiez tellement amis, vous et lui."
"C'est vrai. D'ailleurs, je n'aime toujours pas évoquer le sujet de sa disparition," rétorqua-t-il, devenant encore plus distant qu'avant, si c'était possible. "Quant à votre requête, madame, nous allons y réfléchir et nous vous ferons connaître notre réponse."
Barenziah s'inclina et les enfants l'imitèrent. D'un signe de tête, l'empereur leur fit savoir que l'audience était terminée et ils se retirèrent.
Barenziah inspira profondément une fois la porte de la salle du trône refermée. Camarade de jeu imaginaire, "Justin" n'existait que dans la tête du jeune Uriel, même si ce dernier insistait pour qu'une place lui soit réservée à chaque repas. De plus, malgré son prénom masculin, Justin était une fille ! Symmachus avait prolongé la plaisanterie bien des années encore, demandant à Uriel Septim des nouvelles de Justin à chacune de leurs rencontres. L'empereur appréciait grandement, comme le montrait la dernière conversation qu'il avait eue à ce sujet avec Symmachus, quelques années auparavant à peine. En réponse à sa question, il avait expliqué que son amie d'enfance avait fait la connaissance d'un jeune et incorrigible Khajiit, qu'elle avait épousé avant de s'installer à Lilandril pour cultiver des tubercules.
L'homme qui occupait le trône de l'empereur n'était donc pas Uriel Septim ! Le Rossignol, alors ? Se pouvait-il que... oui, bien sûr ! Barenziah sut qu'elle avait mis le doigt sur la réponse. C'était lui ! Le Rossignol avait pris la place de l'empereur. Symmachus s'était cruellement fourvoyé...
Et maintenant ? se demanda-t-elle, affolée. Qu'était-il advenu du véritable Uriel Septim et, surtout, quelles pouvaient être les conséquences pour Longsanglot, Symmachus et elle ? Rétrospectivement, Barenziah en vint à la conclusion que tous leurs problèmes étaient dus à l'imposteur, ce traître de Rossignol... ou quelle que soit son identité. Sans doute avait-il pris la place d'Uriel Septim juste avant que Longsanglot ne commence à recevoir des exigences déraisonnables de la cité impériale. Cela expliquerait pourquoi leurs relations s'étaient détériorées si longtemps (d'un point de vue humain), bien après son aventure critiquée avec Tiber Septim. Connaissant la légendaire loyauté que Symmachus vouait à la dynastie Septim, il avait décidé de frapper le premier. Mais si tel était le cas, toute la famille de Barenziah courait un terrible danger. Ses enfants et elle se trouvaient pour ainsi dire entre les mains de l'imposteur, tandis que Symmachus devait faire face seul aux troubles fomentés à Longsanglot.
Que faire ? Suivie de ses dames de compagnie et des chevaliers assurant sa garde, Barenziah poussa ses enfants devant elle, une main sur l'épaule, veillant à ne rien laisser transparaître. Ils atteignirent leur carrosse rapidement. Bien que leurs quartiers se trouvent tout près du palais, le décorum impérial interdisait de se déplacer à pied, même sur une courte distance et, pour une fois, Barenziah en fut heureuse. Son carrosse lui apparut comme un refuge, même si elle savait que cette impression ne pouvait être que trompeuse.
Un jeune garçon se précipita vers l'un des gardes pour lui tendre un parchemin avant de montrer l'attelage du doigt. L'homme d'armes apporta le message à sa maîtresse tandis que le garçon attendait, les yeux luisant. La note, très brève, présentait les compliments d'Eadwyre, roi de Refuge, dans la province de Haute-Roche, à la célèbre reine Barenziah de Longsanglot, tout en sollicitant de lui faire la grâce de le recevoir. Ayant souvent entendu parler d'elle, il se disait désireux de faire sa connaissance.
Barenziah eut tout d'abord envie de refuser. Elle ne souhaitait qu'une chose, quitter la cité impériale au plus vite. Rencontrer un humain, fut-il roi, ne l'attirait aucunement. Elle fronça les sourcils et l'un des gardes lui murmura, "Madame, le garçon dit que son maître attend votre réponse." Ce disant, il lui indiqua un homme encore séduisant, quoique plutôt âgé. Monté à cheval, il était accompagné d'une demi-douzaine de cavaliers constituant une partie de sa cour. Voyant qu'elle l'avait aperçu, il s'inclina respectueusement devant elle en ôtant son chapeau à plume.
"Très bien," décida-t-elle brusquement. "Va dire à ton maître que je le recevrai ce soir, après le dîner, petit." Le roi Eadwyre avait l'air poli, inquiet... et aucunement épris d'elle. C'est déjà quelque chose, se dit-elle, songeuse.
Barenziah attendait, debout devant la fenêtre de sa tour. Elle sentait la proximité du faucon de nuit familier, mais ne le voyait pas encore, bien que le ciel nocturne fût aussi clair pour elle qu'en plein jour. Puis, soudain, il apparut, point minuscule évoluant sous la couche nuageuse. Quelques minutes plus tard, le faucon de nuit effectua sa descente et replia ses ailes pour se poser sur l'avant-bras de sa maîtresse, protégé par un long gant de cuir.
Elle posa l'oiseau sur son perchoir où il patienta, essoufflé, tandis qu'elle défaisait nerveusement le message attaché à l'une de ses pattes. Le rapace la laissa faire, se contentant de boire longuement avant de lisser ses plumes avec son bec. Une partie de sa conscience partageait la satisfaction du faucon, heureux d'avoir accompli sa mission et de goûter un repos mérité. Cependant, quelque chose n'allait pas. Même le rapace le sentait, en dépit de son esprit limité d'animal.
Réfrénant ses tremblements, elle déroula la petite feuille de papier. Le message n'avait pas été rédigé de la main de Symmachus ! Elle s'assit lentement et défroissa le papier d'une main tout en se préparant, corps et âme, au pire.
Elle avait raison, c'était un désastre.
La garde impériale avait déserté son seigneur pour se joindre aux rebelles. Symmachus était mort. Les rares troupes loyales restantes avaient été défaites. Symmachus était mort. Le chef rebelle avait été officiellement reconnu roi de Longsanglot par les envoyés de l'empereur. Symmachus était mort. Barenziah et ses enfants avaient été déclarés traîtres à l'Empire et leurs têtes étaient mises à prix.
Symmachus était mort.
L'audience accordée par l'empereur ce matin même n'était donc qu'une ruse, une parodie. L'usurpateur devait déjà être au courant et il s'était joué d'elle : "Restez ici, madame, profitez des délices de la cité impériale. Prolongez votre séjour aussi longtemps qu'il vous plaira." Son séjour ? Sa détention, oui. Nul doute que son arrestation était imminente. Elle ne se faisait aucune illusion quant à son sort. L'empereur et ses sbires ne la laisseraient jamais quitter la cité impériale. Du moins, pas en vie.
Symmachus est mort.
"Madame ?"
Barenziah sursauta, surprise par la servante qu'elle n'avait pas entendue approcher. "Qu'y a-t-il ?"
"Le Bréton est ici, madame. Le roi Eadwyre," clarifia la jeune femme en voyant que sa maîtresse ne comprenait pas. Elle hésita. "L'oiseau vous a-t-il apporté des nouvelles, madame ?"
"Rien qui ne puisse attendre," répondit rapidement Barenziah, qui sentait un gouffre sans fond s'ouvrir sous ses pieds. "Occupe-toi du faucon." Ce disant, elle se leva, arrangea le tissu de sa robe et se prépara à recevoir son royal visiteur.
Elle se sentait totalement dénuée d'émotion et de vie, comme les murs de pierre qui l'entouraient, comme la torpeur de la nuit... comme un cadavre.
Symmachus est mort !
Le roi Eadwyre la salua avec courtoisie et gravité, de façon quelque peu obséquieuse. Il affirma être un fervent admirateur de Symmachus qui, selon lui, figurait en bonne place dans les légendes de sa famille. Puis, peu à peu, il en vint à la raison qui avait poussé Barenziah à demander audience auprès de l'empereur. Il lui demanda des détails, puis voulut savoir si elle avait obtenu des assurances favorables à Longsanglot. Voyant qu'elle refusait de lui répondre franchement, il se décida à parler. "Vous devez me croire, madame," s'écria-t-il soudain. "L'homme qui se dit empereur n'est rien d'autre qu'un imposteur ! Je sais que cela doit vous paraître impensable, mais..."
"Non," répondit Barenziah en choisissant son camp. "Vous avez parfaitement raison, monsieur. Je le sais."
Eadwyre se détendit pour la première fois, puis plissa les yeux. "Vous dites que vous savez ? Ce n'est pas pour faire plaisir à quelqu'un que vous considérez comme un fou ?"
"Je vous assure que non, monsieur," répondit-elle en inspirant profondément. "Et qui se fait passer pour l'empereur, selon vous ?"
"Jagar Tharn, le mage-guerrier impérial."
"Ah ! Auriez-vous entendu parler d'un individu se faisant appeler le Rossignol, par le plus grand des hasards ?"
"Il se trouve que oui, madame. D'ailleurs, mes alliés et moi-même sommes convaincus que le Rossignol et ce renégat de Tharn ne font qu'un."
"Je le savais !" s'exclama Barenziah en se levant et en tentant de masquer le trouble qui l'envahissait. Le Rossignol n'était autre que Jagar Tharn ! Cet homme était un véritable démon. Il avait organisé leur chute à la perfection, mettant son plan en action avec une ruse diabolique. Oh, Symmachus, mon Symmachus...
Eadwyre toussa délicatement afin d'attirer son attention. "Madame, je... nous avons besoin de votre aide."
"Il me semble que c'est plutôt moi qui devrais dire cela," répondit Barenziah d'un sourire sans joie. "Mais poursuivez, je vous prie. En quoi puis-je vous être utile ?"
Le monarque lui expliqua son plan sans attendre. Ria Silmane, apprentie du vil Jagar Tharn, avait été tuée par le faux empereur, qui l'accusait de trahison. Pourtant, elle avait conservé, par-delà la mort, assez de pouvoir pour contacter ses proches restés sur le plan des mortels. Elle avait choisi un champion acceptant d'aller rechercher le Bâton du Chaos, caché en un lieu inconnu par le mage renégat. Ce champion devrait ensuite utiliser le bâton pour vaincre Jagar Tharn, lequel était invulnérable à toutes les autres attaques, puis délivrer le véritable empereur, emprisonné dans une autre dimension. Toutefois, le champion, qui fort heureusement était toujours en vie, se languissait actuellement dans les oubliettes du palais. Il était donc nécessaire de faire diversion, le temps de libérer le champion avec l'aide de l'esprit de Ria. Barenziah avait réussi à attirer l'attention de l'imposteur, pour ne pas dire plus. Accepterait-elle de le distraire le temps que le plan soit mis en œuvre ?
"J'imagine qu'il devrait m'être possible d'obtenir une nouvelle audience," fit Barenziah sans rien promettre. "Mais est-ce que cela serait suffisant ? Il faut que je vous dise que mes enfants et moi-même venons d'être déclarés traîtres à l'Empire.
"Dans votre royaume de Longsanglot et en Morrowind peut-être, madame, mais les choses sont bien différentes à la cité impériale. La fange administrative qui empêche pour ainsi dire tout le monde d'obtenir une audience avec l'empereur ou l'un de ses ministres garantit également que vous ne risquez pas d'être emprisonnée avant une longue et lente procédure judiciaire. D'autant que, dans votre cas, tout cela sera encore ralenti par votre rang royal. Une reine et ses héritiers présomptifs ne peuvent être inquiétés, madame." Le roi sourit. "La bureaucratie impériale est une arme à double tranchant."
Barenziah se sentit rassurée en apprenant que ses enfants et elle ne risquaient rien pour le moment. Mais une phrase prononcée par Eadwyre la troublait. "Vous avez dit que j'avais attiré l'attention de l'imposteur, pour ne pas dire plus. Mais qu'est-ce qui vous fait dire ça, monsieur ?"
Le roi eut soudain l'air mal à l'aise. "Les serviteurs du château murmurent que Jagar Tharn possède une statue à votre effigie, qu'il conserve dans une sorte de chapelle installée dans ses quartiers."
"Je vois." Sans pouvoir s'en empêcher, Barenziah repensa à sa romance insensée avec le Rossignol. Car elle avait été follement amoureuse de lui, aucun doute à ce sujet. Quelle idiote ! Cet homme qu'elle avait cru aimer pour un temps avait causé la mort de celui qu'elle aimait vraiment. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que Symmachus n'était plus. Mais même si tel est le cas, mon amour pour lui est toujours vivant, décida-t-elle fermement. Il serait toujours avec elle, tout comme la douleur qu'elle éprouvait à l'idée de devoir continuer à vivre sans lui. De passer chaque jour, chaque nuit, sans l'amour et la présence réconfortante de Symmachus. De savoir qu'il ne verrait jamais grandir ses enfants et que ces derniers, surtout la petite Morgia, ne sauraient jamais combien leur père était merveilleux, courageux, fort et aimant...
Tu vas mourir pour cela, Rossignol. Pour tout ce que tu as fait subir à ma famille, tu dois mourir.
"Cela vous surprend-il ?"
Les paroles d'Eadwyre interrompirent ses pensées. "Quoi donc ?"
"Le fait qu'il semble vouer un véritable culte à votre personne ?"
"Oh !" Son visage resta impassible. "Oui et non."
Comprenant qu'elle souhaitait changer de sujet, Eadwyre recommença à parler de leur plan. "Notre champion aura peut-être besoin de quelques jours pour s'enfuir, madame. Pouvez-vous les lui procurer ?
"Pourquoi me mettre dans la confidence, monsieur ? Pourquoi me faire confiance ?"
"Nous n'avons pas le choix, madame. Mais même si nous l'avions, je sais que je pourrais vous faire confiance. Votre époux a été si bon avec ma famille depuis toutes ces années. Le seigneur Symmachus..."
"N'est plus."
"Comment ?"
Barenziah relata posément les événements récents.
"Madame... je... c'est abominable ! Je... je suis désolé..."
Pour la première fois, la façade calme de Barenziah commença à se fissurer. Les marques de sympathie du roi étaient plus qu'elle ne pouvait en supporter. Elle se força à se reprendre.
"Compte tenu des circonstances, madame, nous ne pouvons vous demander..."
"Au contraire, monsieur. Compte tenu des circonstances, je me dois de faire tout mon possible pour venger le meurtre du père de mes enfants." Une larme lui échappa. Elle l'essuya rageusement. "En échange, je vous demande seulement de prendre soin de mes enfants une fois qu'ils seront devenus orphelins."
"Je vous en fais le serment, ma brave et noble reine," répondit-il en se redressant, les yeux brillants. "Que les dieux de notre pays bien-aimé et de tout Tamriel m'en soient témoins, j'en fais le serment."
Elle se sentit touchée par la promesse de son interlocuteur. "Merci du fond du coeur, roi Eadwyre," lui dit-elle. "Vous avez toute ma gratitude, ainsi que celle de... de mes... de mes enf..."
Elle éclata en sanglots.
Incapable de trouver le sommeil, elle resta toute la nuit assise à côté de son lit, mains croisées sur les genoux, à réfléchir à la situation. Elle se sentait incapable d'annoncer la terrible vérité à ses enfants, du moins tant qu'elle n'y serait pas obligée.
Elle n'eut pas besoin de requérir une nouvelle audience auprès de l'empereur. Une convocation lui parvint à la première heure.
Elle expliqua aux enfants qu'elle serait sans doute absente plusieurs jours durant, puis les embrassa après leur avoir fait promettre de ne pas poser de problèmes aux domestiques. Morgia pleurnicha, car elle s'embêtait atrocement dans la cité impériale. Pour sa part, bien que renfrogné, Helseth ne souffla mot. Il ressemblait tant à son père. Son père...
Au palais impérial, Barenziah fut escortée, non pas à la grande salle d'audience, mais à un petit salon dans lequel l'empereur déjeunait seul. L'accueillant d'un hochement de tête, il lui montra la fenêtre. "Quelle vue magnifique, n'est-ce pas ?"
Barenziah contempla les tours de la cité, en se rappelant que c'était dans cette même pièce qu'elle avait fait la connaissance de Tiber Septim, toutes ces années auparavant. Ces années ? Non, ces siècles. Tiber Septim... encore un homme qu'elle avait aimé. Qui y avait-il eu d'autre ? Symmachus, Tiber Septim... et Paille. Elle se souvint du grand garçon d'écurie blond avec une grande affection, prenant seulement maintenant conscience qu'elle l'avait en effet aimé, sans jamais le lui dire. Elle avait été si jeune alors, si insouciante. Mais c'était avant que tout le reste ne lui arrive, avant qu'elle ne le rencontre, lui. Pas Symmachus, non, mais le Rossignol. Elle fut choquée de constater qu'il continuait de l'affecter, même après tout ce qui s'était passé. Une vague de sentiments mêlés s'empara d'elle.
Quand elle lui fit de nouveau face, Uriel Septim avait disparu et le Rossignol se tenait à sa place.
"Vous saviez," lui dit-il en la dévorant des yeux. "Vous avez su dès le premier instant. Moi qui voulais tant vous faire la surprise... Vous auriez au moins pu faire semblant."
Elle écarta les bras en essayant de faire taire le torrent d'émotions qui grondait en elle. "J'ai bien peur d'être beaucoup moins douée que vous pour cela, mon seigneur."
"Vous m'en voulez," comprit-il dans un soupir.
"Peut-être un peu, oui," répondit-elle d'une voix cassante. "Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais en ce qui me concerne, la trahison m'a toujours dérangée."
"Quelle attitude... humaine."
Elle inspira profondément. "Que désirez-vous de moi ?"
"Ah ! Là, je sais que vous faites semblant," dit-il en se levant pour lui faire face. "Vous savez fort bien ce que je veux."
"Vous avez envie de me tourmenter. Parfait, allez-y. Je suis en votre pouvoir. Mais laissez mes enfants tranquilles."
"Non, non, ce n'est pas du tout cela que je veux, Barenziah." Il s'approcha lentement d'elle, en reprenant la voix envoûtante qui l'avait tant séduite autrefois... et qui continuait de le faire, s'il fallait en juger par les frissons de plaisir qui remontaient le long de sa colonne vertébrale. "Ne voyez-vous pas ? C'était le seul moyen," se justifia-t-il en lui prenant les bras.
Barenziah sentit sa détermination faiblir et le mépris qu'il lui inspirait se résorber peu à peu. "Vous auriez pu m'emmener avec vous," protesta-t-elle, les yeux humides de larmes.
"Je n'en avais pas le pouvoir, alors," répondit-il en secouant la tête. "Mais maintenant... maintenant, tout est à moi et je vous le donne." Une fois plus, il agita sa main en direction de la cité qu'on apercevait par la fenêtre. "Tamriel tout entier est à vos pieds et ce n'est que le commencement."
"C'est trop tard. Vous m'avez abandonnée... laissée avec lui."
"Le paysan est mort. Quelques années de plus ou de moins n'ont guère d'importance."
"Mais... mes enfants..."
"Je les adopterai. Et nous en aurons d'autres, Barenziah. Oh, comme ils seront beaux ! Songez à tout ce que nous avons à leur donner : votre beauté et ma magie. Je possède des pouvoirs que vous ne pouvez imaginer, même dans vos rêves les plus fous !"
Il se pencha pour l'embrasser, mais elle lui échappa. "Je ne vous crois pas."
"Oh, mais je sais bien que si. C'est seulement que vous êtes encore en colère contre moi," dit-il en souriant, mais ses yeux restèrent toujours aussi froids et calculateurs. "Dites-moi ce que vous désirez, Barenziah. Ma bien-aimée. Dites-le-moi et vous l'aurez."
Barenziah vit son existence défiler devant ses yeux. Le passé, le présent, l'avenir, même. Toutes ces époques différentes, toutes ces vies différentes et elle, toujours changeante. Mais qui était la vraie Barenziah ? La question était cruciale, car c'était la réponse qui déterminerait son destin.
Elle fit son choix en quelques instants. Elle savait qui était la vraie Barenziah et ce qu'elle voulait.
"Une promenade dans vos jardins, mon seigneur. Et quelques chansons, peut-être..."
Le Rossignol éclata de rire. "Vous voulez que je vous fasse la cour ?" demanda-t-il.
"Et pourquoi pas ? Vous le faites si bien... et cela fait si longtemps que je n'ai plus été l'objet de tant d'attentions."
Il sourit. "Comme vous le souhaitez, ma reine," accepta-t-il en lui faisant un baisemain. "Vos désirs sont des ordres, maintenant et pour toute l'éternité."
Le Rossignol passa donc les jours suivants à la courtiser et tous deux se promenèrent en discutant, en chantant et en riant, tandis que la gestion de l'empire était laissée aux sous-fifres de l'empereur.
"J'aimerais voir le bâton," dit un jour Barenziah sans avoir l'air d'y toucher. "Je ne l'ai aperçu qu'une fraction de seconde, vous vous souvenez."
"Rien ne me ferait davantage plaisir, mon cœur, mais c'est hélas impossible."
"Vous ne me faites pas confiance," bouda-t-elle, mais sans se refuser à lui quand il se pencha pour l'embrasser.
"Bien sûr que si, mon amour, mais le bâton n'est plus ici," expliqua-t-il avant de partir d'un petit rire. "En fait, il ne se trouve plus nulle part." Il l'embrassa de nouveau, avec passion.
"Vous recommencez à parler par énigmes. Je veux le voir. Je sais que vous ne l'avez pas détruit, c'est impossible."
"Je vois que vous avez gagné en sagesse depuis notre dernière rencontre."
"C'est en partie à vous que je dois ma soif de connaissance," répondit-elle en se levant. "Le Bâton du Chaos ne peut être détruit et il est impossible de l'arracher à Tamriel sans que la terre elle-même en souffre."
"Ah, vous m'impressionnez, mon cœur. Tout cela est on ne peut plus vrai. Le bâton n'a pas été détruit ni emporté hors du continent. Pourtant, comme je vous l'ai dit, il ne se trouve plus nulle part. Parviendrez-vous à résoudre cette énigme ?" Il l'attira à lui et elle se laissa faire. "Tenez, en voici une autre : comment transformer deux en un ? Laissez-moi vous montrer." Leurs deux corps fusionnèrent.
Plus tard, alors qu'il dormait à côté d'elle, une idée lui vint à l'esprit : "Deux en un... et pourquoi pas un en deux... trois ou quatre ? Qui sait s'il n'est pas possible de séparer en plusieurs morceaux ce qui ne peut être banni ou détruit..."
Elle s'assit brusquement, les yeux brillants, et se mit à sourire.
Le Rossignol tenait un journal intime, qu'il mettait à jour chaque soir, après avoir reçu les rapports de ses laquais. Il le rangeait dans un tiroir fermé à clé de son bureau, mais la serrure n'avait rien de complexe. Barenziah n'avait-elle pas fait partie de la Guilde des voleurs dans une autre vie ?
Un matin, elle parvint à jeter un oeil au calepin alors que le Rossignol faisait sa toilette. Elle y apprit que le premier morceau du Bâton du Chaos était caché dans une ancienne mine dwemer appelée Antre des Crocs, bien que l'emplacement de cette dernière ne soit décrit que d'une manière très vague. Rédigé dans un langage abrégé propre au Rossignol, le carnet était très difficile à déchiffrer.
"Tout Tamriel est entre nos mains," songea-t-elle. "Et plus, peut-être. Pourtant..."
Malgré tout le charme du Rossignol, il n'avait pas de coeur, rien qu'un grand vide dont il ne semblait pas avoir lui-même conscience. Il le laissait paraître de temps en temps, quand son regard devenait d'une exceptionnelle dureté. Pourtant, lui aussi recherchait le bonheur, même s'il ne lui donnait pas la même signification que les autres gens. Lui non plus n'est pas immunisé contre les petits rêves médiocres, songea Barenziah. Paille lui revint en mémoire, l'air triste, perdu. Puis Therris, avec son inimitable sourire félin de Khajiit. Tiber Septim, immensément puissant, mais si seul. Symmachus, fidèle et solide comme un roc, qui faisait toujours ce qui devait être fait, avec calme et efficacité. Et enfin, le Rossignol, énigme et certitude, lumière et ténèbres à la fois. Le Rossignol, qui cherchait à gouverner le monde en généralisant le chaos au nom de l'ordre.
Barenziah demanda à plusieurs reprises l'autorisation d'aller voir ses enfants, lesquels ignoraient toujours que leur père était mort et que l'empereur avait décidé de les prendre sous sa protection. Elle finit par l'obtenir, non sans mal. Quand elle annonça la triste nouvelle à ses enfants, Morgia se colla à elle pour pleurer toutes les larmes de son corps, tandis que Helseth courut dans le jardin pour y trouver un peu de solitude. Par la suite, il refusa de discuter de son père avec Barenziah, ou même de la laisser le prendre dans ses bras.
Eadwyre en profita pour lui rendre visite. Elle lui révéla tout ce qu'elle avait appris, tout en lui expliquant qu'elle devait rester aux côtés de l'imposteur afin de tenter d'en découvrir davantage encore.
Le Rossignol la taquina au sujet de son vieil admirateur. Il était parfaitement au courant des soupçons d'Eadwyre, mais ne s'en préoccupait guère, car personne ne prenait le vieux fou au sérieux. Barenziah parvint même à organiser une sorte de réconciliation entre eux deux. Eadwyre revint publiquement sur ses déclarations et son "vieil ami" l'empereur le pardonna. Par la suite, le roi fut invité à venir dîner au moins une fois par semaine en compagnie du Rossignol et de Barenziah.
Les enfants aimaient bien Eadwyre. En revanche, Helseth désapprouvait la liaison que sa mère entretenait avec l'empereur, qu'il détestait. Devenu boudeur et prompt à de soudains accès de colère, il se querellait fréquemment avec sa mère et l'amant de cette dernière. Eadwyre ne semblait pas non plus approuver cette liaison et le Rossignol prenait grand plaisir à montrer publiquement son affection pour Barenziah afin de contrarier le vieil homme.
Ils ne pouvaient se marier, bien sûr, car Uriel Septim l'était déjà. Du moins, pas encore. Le Rossignol avait condamné l'impératrice à l'exil peu de temps après avoir pris la place de l'empereur, sans toutefois oser la faire exécuter. Elle avait trouvé refuge au Temple de l'Unique. On avait appris qu'elle connaissait des problèmes de santé et les agents du Rossignol faisaient circuler une rumeur selon laquelle elle souffrirait également de troubles mentaux. De la même manière, les enfants de l'empereur avaient été envoyés dans diverses "écoles" qui cachaient en réalité des prisons.
"Son état ne va pas cesser de se détériorer," dit un jour le Rossignol à propos de l'impératrice, en regardant avec satisfaction le ventre gonflé de Barenziah. "Quant à leurs enfants... les accidents arrivent, n'est-ce pas ? Nous allons nous marier et notre enfant sera mon héritier."
Il voulait cet enfant, elle en était persuadée. Par contre, elle était bien moins sûre de ce qu'il éprouvait véritablement pour elle. Ils se querellaient constamment et avec une grande violence, le plus souvent au sujet d'Helseth, que le Rossignol voulait envoyer dans une école de l'archipel de l'Automne, province la plus éloignée de la Cité impériale. Barenziah ne cherchait nullement à éviter ces altercations, bien au contraire, car elle savait fort bien que le Rossignol n'était en rien intéressé par une vie tranquille et dénuée de conflits. De plus, il aimait tant se faire pardonner après coup...
De temps en temps, Barenziah prenait ses enfants avec elle et repartait dans ses anciens quartiers, affirmant qu'elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui. Mais il venait toujours la rechercher et elle se laissait toujours convaincre. C'était inévitable, comme la trajectoire dans le ciel des lunes jumelles de Tamriel.
Elle était enceinte de six mois quand elle déchiffra enfin le texte indiquant où se trouvait le dernier morceau du bâton. Elle n'eut même pas besoin de consulter une carte, tous les Elfes noirs sachant pertinemment où était situé le mont de Dagoth Ur.
Lors de sa dispute suivante avec le Rossignol, elle quitta purement et simplement la ville en compagnie d'Eadwyre, partant à bride abattue pour Refuge, à Haute-Roche. L'usurpateur entra dans une rage folle, mais ne put pas faire grand-chose contre elle. Ses assassins étaient extrêmement peu performants et il n'osait pas quitter la Cité impériale pour aller s'occuper d'elle en personne. Il ne lui était pas non plus possible de déclarer la guerre à Refuge, car Barenziah n'était pas légalement sienne, pas plus que l'enfant qu'elle portait dans son ventre. Fidèles à leurs habitudes, les nobles de la Cité impériale avaient vu la liaison de l'empereur et de Barenziah d'un très mauvais oeil, comme cela s'était passé tant d'années auparavant avec Tiber Septim. Ils furent donc heureux de la voir s'en aller.
Le peuple de Refuge ne faisait pas davantage confiance à la reine déchue, mais Eadwyre étant très aimé de la populace, celle-ci avait tendance à lui pardonner ses... excentricités. Barenziah épousa Eadwyre un an après la naissance de son fils. Malgré cette grossesse malheureuse, Eadwyre était fou d'elle et de ses enfants. Pour sa part, elle ne l'aimait pas, mais elle éprouvait pour lui de l'affection, ce qui était déjà quelque chose. Elle appréciait d'avoir quelqu'un à ses côtés et Refuge était une belle ville pour élever de jeunes enfants. Eadwyre et elle attendraient leur heure, en souhaitant que le Champion accomplisse sa mission.
Barenziah espérait qu'il ne tarderait pas trop. Elfe, son espérance de vie était encore longue ; pourtant, elle n'avait plus d'amour à donner ni de haine pour la pousser vers l'avant. Il ne lui restait que la douleur, ses souvenirs et sa famille. Elle ne souhaitait qu'une seule chose : élever ses enfants et leur offrir une belle existence tout en vivant ce qui restait de la sienne. Elle ne doutait pas que sa vie serait encore longue et elle ne recherchait que la paix, le calme et la sérénité, dans son coeur comme dans son âme. De petits rêves médiocres. C'était tout ce à quoi elle aspirait, désormais. C'était tout ce que la vraie Barenziah voulait.
Fais de beaux rêves, Barenziah.
Apparitions[]
- The Elder Scrolls II: Daggerfall
- The Elder Scrolls III: Morrowind
- The Elder Scrolls IV: Oblivion
- The Elder Scrolls V: Skyrim
Barenziah, la véritable histoire | ||
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Barenziah, la véritable histoire, vol. 4 | Barenziah, la véritable histoire, vol. 5 | |
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